A la suite de ces travaux, une société Marseillaise souhaitant effectuer des transports de fonds en centre ville étroit, propose un cahier des charges restrictif que satisfait Labbé en réalisant une 504 break blindée.
Après quelques autres réalisations similaires pour des véhicules destinés à la protection des biens, Fernand LABBE trouve opportun avec le lancement commerciale de la Peugeot 604 de démontrer le savoir faire de son entreprise en réalisant un véhicule dédié à la protection des personnes.
Fort de ses convictions, il achète en nom propre à la concession Peugeot de Saint Brieuc une berline 604 SL toutes options, la 604 étant à son goût le modèle le plus porteur en terme d'image. Après huit mois d'un travail de transformation assez conséquent, Labbé soumet ses travaux à Peugeot Grande armée qui, après quelques hésitations, fait examiner le véhicule par la division véhicule spéciaux à Belchamp.
Sans autres formes d'intéressement, le véhicule sera rendu quelques mois après au carrossier de Lamballe avec une liste d'aménagements mécaniques nécessaires à l'amélioration du comportement routier. Labbé, qui a travaillé sur la modification technique mais pas encore sur une structure de commercialisation, le conçoit alors comme un projet à développer.
A la fin de l'été 1977, la visite programmée du Maréchal Tito pose quelques problèmes de sécurité vis-à-vis du risque attentat. Le constructeur Peugeot est alors sollicité pour fournir un véhicule de liaison protégé. Ayant en mémoire la réalisation de Labbé, Peugeot tente de louer pour l'occasion le véhicule puis se résigne à le racheter sur l'insistance du carrossier.
Repeinte en Gris fumé 1396, la couleur choisie par le protocole, la 604 SL Labbé sera remise en service sous l'immatriculation 84 APR 75 avec le pseudonyme de 604 VIP 1. Il s'agit alors de A31 6 518 244 du 20-12 1976.
VII C10) Accueil du Maréchal Tito lors de sa visite officielle le 12 Octobre 1977 au pavillon d'Orly. VIP 1 transportera le maréchal sur tous les déplacements, le risque d'attentat étant très redouté (Coll. Présidence de la République Française).
VII C11) VIP 1 devant le perron de l'Elysée fin 1977. On note le drapeau de la confédération Yougoslave (Coll. Musée Peugeot).
VII C12) Sur ce gros plans de VIP1 transportant le Maréchal Tito, on perçoit bien l'épaisseur du pare brise et les rétroviseurs extérieurs d'origine Mercedes (Coll. Musée Peugeot).
Suivi de très près par le constructeur jusque fin 1977, le véhicule sera affecté initialement aux déplacements du Maréchal lors de sa visite officielle puis à quelques autres convoyages protocolaires entre le Pavillon d'Orly et le Palais de l'Elysée.
Délicate à conduire du fait de ses pneumatiques spéciaux (prévus pour un roulage à plat) et de son pare brise qui génère de par sa forte épaisseur quelques distorsions optiques, le véhicule à une masse imposante que le moteur ZM 112 peine à déplacer.
Intégralement blindée, avec vitrage courbe en 28 mm et glaces latérales fixes (une fabrication de Saint-Gobain Longjumeau), elle est équipée de pneumatiques Dunlop système "Denovo" et de suspensions renforcées conçues par le carrossier, un compromis de ce qui se fait de mieux à l'époque, car on parle encore de voiture blindée et non de véhicule avec niveaux de protection.
Cette première réalisation ayant donné toute satisfaction, Labbé sera sollicité ensuite pour modifier quelques Citroën Cx gouvernementales puis une 604 berline Chapron avec séparation chauffeur destinée à un usage privé (A31 6 572 152 du 28-04-1978).
A partir de Mai 1978, un cahier des charges de DG Peugeot démontre que le constructeur s'intéresse davantage aux commandes spéciales, notamment les véhicules blindés et anti agression dont la demande en Europe croît sérieusement à partir de 1977.
Après un début d'étude en interne, avec lancement en avant série à Sochaux de six caisses symboles 561355 destinées à être modifiées*, le constructeur lance un projet de véhicule blindé sur la base de la transformation Labbé puis abandonne ses travaux dès la connaissance du projet de rallonge Heuliez en juin 1978. A l'époque, les procédures de réception trop lourdes pour une petite série motivent cet abandon pour une réalisation en interne. Ce sera alors le début de la véritable implication de Peugeot dans les projets des carrossiers extérieurs comme Heuliez, Labbé, Fontauto et Chapron par redondance puisque déjà accrédité, sa participation aux études sur les transmissions et les suspensions étant la principale mission qu'il s'accorde.
(*): 3 anti agression, 1 blindée niveau 2 Labbé, 1 blindée niveau 2 Fontauto et 1 blindée niveau 2 Chapron.
Le rapprochement entre Peugeot et Labbé intervient en milieu d'année 1978, lorsque le constructeur sollicite le carrossier pour des transformations unitaires, il s'intensifie fin 1978 lors d'une consultation en vue du blindage éventuel de deux véhicules rallongés et destinés à la présidence de la république (il s'agit du projet de remplacement des deux SM présidentielle carrossées par Chapron). Si ce projet est finalement abandonné en 1979, le carrossier de Lamballe garde cependant une maîtrise d'œuvre sur recommandation de Peugeot grande armée pour des transformations en blindage.
VII C13) Sur cette blindée du salon 77, on distingue les jantes Dunlop démontables nécessitant le montage d'enjoliveur d'origine 404 pour masquer la boulonnerie de liaison (Coll. Labbé SA).
Parallèlement, Labbé recevra une commande de la Banque de France pour la transformation de dix huit véhicules blindés destinés à l'escorte des fourgons transport de fonds, la première vraie série de véhicules traditionnellement transformés à l'unité. Remplaçantes des Mercedes 240 non blindées et vieillissantes (parc de Chamalières et de Paris) ces dix huit 604 TI blindées consacrent réellement la naissance des 604 aménagées par Labbé, l'adoption du moteur 140 à injection donnant un gage de puissance suffisante pour le surplus de masse.
Le carrossier, qui transpose son savoir faire au cas 604 avec justesse et talent, permet à la grande routière de Sochaux d'être première voiture réalisée sur mesure pour la mission d'escorte au sein de la banque de France.
Lancée en 1978, la production des 604 "BdF" va s'étaler sur près de six années, par tranches, réparties sur cette période. A terme, toutes les 604 modifiées seront des TI toit fixe et boîte cinq avec peinture 1396 HB KH. Avec l'aide de Peugeot, qui réceptionnera les véhicules en performances sur le circuit de Belchamp, Labbé modifiera légèrement la mécanique en adoptant un pont plus court avec couple conique retaillé (production de STA Ruitz), des ressorts de suspension spécifiques puis des jantes 165 TR 390 ACT démontables et développées par l'usine Michelin de Troyes exclusivement pour ce modèle mais utilisées ensuite sur toutes les transformations Labbé.
Dans ces missions d'escorte de convoi, les équipages de quatre hommes par voiture, opéraient par groupes de deux véhicules, un groupe à l'avant du convoi, un autre à l'arrière. Aux intersections, le groupe situé en avant faisait barrage en bloquant les entrées de l'intersection tandis que les véhicules du second groupe doublaient le convoi pour ouvrir la voie à leur tour. La vitesse moyenne de 100 Km/h sollicitait beaucoup en accélération et en freinage, mais ces 604 "BdF" assumèrent leur fonction jusqu'en 1992 ou le démantèlement de la flotte intervint au fur et à mesure du remplacement par des 605 V6 aménagées elles aussi. Dépourvues de leur crémones de condamnation et de la communication ondes courtes, certaines furent vendue par les domaines, d'autres rétrocédées à médecins sans frontière qui en exploita certaines lors du conflit bosniaque. La plupart finirent leur carrière rongée par la corrosion, la ventilation des tôles entre blindage et carrosserie n'étant pas assurée.
Parallèlement à la production des "BdF", quelques commandes émanent du Quai d'Orsay pour les besoins gouvernementaux (Ambassades, Consulats, ou mission en territoire hostile), puis l'aménagement fait par Labbé sur cette base devient une consécration sur les marchés du moyen orient, de l'Afrique et de l'Amérique du sud, Labbé réalisant même les véhicules présidentiels de Pologne (GHI 122), RDA (GHI 122) et Espagne (GHI 106).
L'entreprise Labbé verra sa transformation entrer au catalogue tarif Peugeot dès 1980, comme celle du carrossier Italien Fontauto qui suivra.
En 1983, Labbé coopère avec Heuliez pour le blindage de la limousine n°105, une aventure techniquement enrichissante qui donnera des suites avec Rolls-Royce sur des véhicules spéciaux, toujours en collaboration avec la firme de Cerizay.
Pour synthétiser, Labbé a su faire reconnaître ses compétences pour la transformation des berlines 604 en donnant avec ce modèle de berline aux lignes classiques, le prestige qui manquait à son travail de carrossier. Mieux perçu que sa cadette 505 qui reprit le flambeau, la 604 blindée véhicula une image de protection sérieuse, ce qui est un atout commercial dans ce métier.
Après, mais surtout grâce à l'aventure 604 dont 63 exemplaires furent transformés, vint celle R25 puis 605, notamment la "limousine" rallongé en stretch.
Edition à suivre...
