L’initiative du carrossier Heuliez pour la transformation des berlines 604 en Limousines vint au terme d’un voyage aux USA de Monsieur QUEVEAU courant 1976. Initialement, le projet visait à démontrer un autre savoir faire chez Heuliez que celui des ambulances et des bétaillères sans avoir de perspective de production pour autant. Le choix 604 eu lieu en 1977 sur la base de trois critères :
-Hayon peu porteur en termes d'image pour la base R 30,
-Version rallongée de la CX déjà existante,
-604, véhicule déjà retenu par la présidence de la République dans sa version berline.
Débute alors courant 1977 diverses études de style qui ne déterminent pas de préférence entre Limousine 6 glaces ou stretch 4 glaces, le projet étant une voiture de salon représentative des compétences Heuliez d’alors.
Dans ces études de style, deux rallonges sont étudiées parallèlement, une de 170 mm désignée VIP 1 avec la formule de carrosserie "stretch", l'autre de 250 mm par rallonge du custode et désignée VIP 2. Omis l'échancrure de porte arrière qui est conservée sur l'étude de style, il est à noter que les travaux d'Heuliez aboutissent aux mêmes solutions que ceux de Chapron.
Après les premières épures donnant le tracé cohérant d'une rallonge de 620 mm, une étude de fond de la rigidification permettra de faire évoluer le dessin de style extérieur vers ce qu'il fut réalisé industriellement. Finalement, il fut plus difficile de fixer un choix dans la valeur de la rallonge que de créer le style qui lie harmonieusement les deux tronçons coupés.
Dans cette course à la longueur, il fut envisagé un temps une rallonge de 980 mm que le carrossier ne mettra finalement pas à l'étude. Outre la difficulté d'implantation d'un châssis sur la structure monocoque, l'étude de style Heuliez n'a pas juger favorable, dans l'optique d'un véhicule de démonstration, la disproportion qui apparaît entre empattement et portes à faux avant / arrière.
Sur le fondement des dernières épures, qui prévoient un aménagement en taxi hôtelier de huit places, Heuliez transforme alors une berline 604 en véhicule de salon.
Pour cette première, le carrossier utilise une base A 34 n° 6 565 477 au velours "miel" et teinte "ivoire", sans toit ouvrant, elle n'est autre que le véhicule de Mr Heuliez lui-même absent momentanément pour les congés d'été, mais que le service prototype prend pour le véhicule livré à cet effet…. Après découpe, le coté droit est utilisé pour la définition "Limousine"à 6 glaces, le coté gauche pour celle "stretch" avec rallonge centrale équivalente de 62 cm.
Pour cette dernière version, l’aménagement prévoit une séparation chauffeur avec bar, ce qui condamne à quatre places l’emploi du véhicule, une conséquence pas vraiment souhaitée pour la polyvalence de la transformation.
Pendant les travaux, l'équipe chargée de la transformation du côté droit avance plus rapidement que celle chargée de modifier le côté gauche du véhicule...
A l’heure des choix, c’est la version "Limousine" 6 glaces qui l’emporte, sans aménagements intérieurs spécifiques autres que les strapontins repliables.
Avant la visite de Peugeot, la version "Stretch" est abandonnée et un aménagement partiel du pavillon en vinyle est effectué.
En Juillet 1978, Heuliez informe le constructeur de son intention d'exposer le véhicule et organise une visite protocolaire de Peugeot. Pour le carrossier, Le projet HLZ a mûri avec cette fois-ci une gamme de rallonge et une perspective de production. Par ailleurs, le prototype a vu sa mécanique modifiée et son aménagement intérieur revu. Dès lors, naît 604 HLZ 79 qui sera présentée le 9 Octobre 1978 au salon automobile de Paris.
Au salon, l’accueil de la grande 604 est très bon au point même de susciter l’intérêt de la présidence de la république qui cherche, on l’a vu antérieurement, une remplaçante aux SM Chapron. Via cette perspective de développement, la division synthèse véhicules de Peugeot (DSV La Garenne) et Heuliez vont collaborer afin de répondre au cahier des charges de la présidence qui souhaite deux véhicules blindés et rallongés livrables en Juin 1979.
Après une visite des SM présidentielles le 28 Novembre 1978, Peugeot prend en charge l’étude et la mise au point de la transmission, de la suspension et du freinage tandis que Heuliez concentre ses activités sur la transformation carrosserie et l’aménagement intérieur. Pour ce projet, Labbé était le troisième prestataire chargé, lui, des travaux de blindage. A cette époque, Peugeot restait alors maître d'œuvre.
Les contraintes de blindage associées à celle de rallonge, posèrent de sérieuses difficultés d’adaptation, le poids roulant obtenu dépassant de loin les masses connues de la berline majorées du coefficient de sécurité. Hors délais annoncés, le projet de Limousines blindées sera d’abord réduit à un seul exemplaire puis finalement abandonné par retrait de l’offre Présidentielle à l'orée 1980.
Mais le salon de Paris ayant éveillé d’autres demandes, l’aventure Limousine 604 continua néanmoins, Heuliez devenant alors seul maître d'œuvre à part entière, puisque sans autre soutien commercial de Peugeot.
De Mai à Juillet 1979, un autre véhicule est transformé en HLZ (N° 2 est A 34 6.597.111) tandis qu’une caisse en blanc transformée est livrée à Peugeot DSV la Garenne pour essais (sera future HLZ n°51 6 590 189).
HLZ n°2 est issue d’une TI grand confort commandée initialement par un client Israélien, elle reprend la solution d’aménagement intérieur avec séparation chauffeur telle qu’envisagée par Chapron.
En Août 1979, divers tirs au mur sont menés par DSV La Garenne, à partir de mulets de série lestés au poids limousine tant à la Garenne qu’à Peugeot Belchamp. Tout comme les véhicules de série, les reculs du support de colonne de direction et du pédalier ainsi que le recul du tablier sont les principales références de mesure. Cette étape permettra de définir les différentes zones à renforcer pour la limousine de série puis maîtriser les outillages et le procédé de transformation.
En Septembre, la qualification des pièces de renfort a lieu, notamment le support de colonne de direction et la traverse de genoux qui sont issues de la berline USA. Entre temps, HLZ n°3 (A 34 6 617 302) fut construite avec les solutions de renforts élaborées précédemment et est présentée au salon de Frankfort le même mois.
En Décembre 1979, la première Limousine turbo diesel est construite (HLZ n°4 A 46 6 616 135). Achetée par Peugeot, elle sera utiliser pour un essai d’endurance sur banc "Budd" avant de retrouver une fonction plus noble. Dans le même temps, un GHI spécifique est créé permettant un pré conditionnement par Peugeot pour les véhicules transformés (GHI 069 pour direction à gauche, GHI 715 pour direction à droite).
En Janvier 1980, une dérogation pour réception à titre isolé est accordée à Heuliez, portant à 15 au lieu de 6 le nombre de véhicules homologables par type. Grâce à cette dérogation, le démarrage de la chaîne Limousine a lieu le 3 Mars 1980.
A ce stade, la reconnaissance du savoir faire d’Heuliez est officielle mais pour ses pairs seulement, la limousine 604 n’étant pas encore un véhicule grand public. Avec HLZ n°5 (A 34 6 621 247), le carrossier élabore sa première plaquette publicitaire et entre dans le catalogue tarifs Peugeot.
VIIIC120) HLZ n°5 est le premier véhicule à définir la finition cuir en version 8 places (type A). C'est aussi sur ce modèle qu'apparaît pour la première fois le logo Heuliez en bas d'aile (Coll. photothèque Heuliez).
En Juillet 1980, la réception de série par type est confirmée pour toutes les Limousines, le premier modèle à recevoir cette homologation étant HLZ n° 17 (A 34 6 629 589) avec le numéro de transformation 9 500 001. A l’exception de HLZ n° 10, restée sur parc et homologuée 9 500 003 (A 34 6 628 810) tous les véhicules antérieurs à HLZ n° 17 bénéficient d’une réception à titre isolé.
En Octobre 1980, tandis que HLZ n°11 s'expose au salon de Paris 1980, Peugeot sollicite Heuliez pour une étude de "restylling" des corps avant et arrière de la berline. Ces travaux, restés sans suite par ailleurs, confirment donc la reconnaissance du constructeur pour le savoir faire du carrossier, ce qui est une première victoire du projet Limousine.
VIIIC122) Salon de Paris d'Octobre 1980, HLZ n° 11 représente le stand Heuliez. (Coll. photothèque Heuliez).
VIIC123) En 1980, Peugeot sollicite Heuliez pour un restylling "léger" de la grande berline (Coll. photothèque Heuliez).
VIIIC124) Les boucliers plastiques sont à la mode et la 604 pourrait déteindre sur la future Tagora (Coll. photothèque Heuliez).
Entre 1980 et 1982, 102 Limousines 604 vont représenter l’image de la voiture Française de luxe, cette période correspondant d’ailleurs à ses plus grandes cadences de fabrication.
Au-delà de 1982, un tassement des ventes est constaté, l’organisation Peugeot/Heuliez évolue vers un pré conditionnement GHI spécifique à l’unité plutôt qu'en lots entiers. C’est du fait de cette réorganisation que le constructeur demandera au carrossier, en Avril 1982, le reconditionnement en véhicules de série de six berlines GHI 069 (sans toit ouvrant donc) en SRD et STI GHI 100 (France) pour les remettre sur le marché France.
En Novembre 1982, c’est le carrossier Heuliez qui négociera la reprise de pièces neuves non utilisées (arbres de transmission, tubes de liaison, câbles de frein,…) issues de berlines transformées auparavant.
Fin 1982, je peux affirmer que la production des limousines devient confidentielle mais elle perdure tout de même jusqu’en Novembre 1984 date à laquelle Heuliez informe Peugeot de l’arrêt définitif de sa chaîne de Cerizay, une commande en cours n’étant d’ailleurs pas honorée (Sté financière la Chapelle-d’Arblay).
Bien qu’une variété de rallonges étaient prévue, seule celle de 0,62 m aboutie jusqu'à la série.
Au terme de l'aventure 604 HLZ, les objectifs souhaités initialement par Heuliez sont plus qu’atteints, la production "604 Limousine" compte 124 unités. La démonstration voulue est faite, il y aura un débouché sur d’autres produits, puisque le carrossier lance alors le Break Citroën BX et la Renault 25 Limousine.
La transformation des berlines Peugeot 604 en Limousine Heuliez fut un tremplin pour la firme de Cerizay mais aussi un pari audacieux qui devint une aventure fabuleuse pour tout le personnel de l’entreprise.
Edit à suivre...